La bise au bureau : une institution à la française
Avant 2020, c'était presque un réflexe : deux, trois ou même quatre bises dès l'arrivée au travail. Que ce soit entre collègues proches ou simples connaissances, la bise faisait partie du paysage quotidien. Une marque de politesse, de connivence, parfois d’obligation sociale. Dans certaines entreprises, ne pas faire la bise le matin pouvait être perçu comme un manque de respect. Pour d'autres, c'était un moment sympa pour briser la glace. Mais soyons honnêtes : combien d'entre nous en avaient marre de tendre la joue à toute l'open space dès 9h03 ?
Le covid : l'excuse parfaite pour arrêter
Quand la pandémie de covid a éclaté, le monde entier a redécouvert l'existence de ses coudes. Finie la bise, vive le "check" de coude, le salut de loin ou le petit hochement de tête gêné. Les gestes barrières ont été une bénédiction pour toutes celles et ceux qui redoutaient ce rituel imposé. Et puis, il y a eu ce moment étrange de retour progressif au bureau... Où l'on ne savait plus quoi faire de son visage. Faut-il tendre la joue ? Proposer un coude ? Un sourire ? On aurait dit une chorégraphie ratée.
Pourquoi la bise ne revient pas (et ne reviendra sans doute jamais)
Trois ans plus tard, un constat s'impose : la bise ne s'est pas vraiment réinstallée. Même les collègues les plus tactiles ont fini par s'y faire. Pourquoi ce rituel, autrefois incontournable, est-il tombé en désuétude ? Plusieurs raisons :
- La distanciation sociale est restée dans les têtes : même sans masques, on garde inconsciemment nos distances.
- Un gain de temps et d'énergie : plus besoin de faire 12 bises tous les matins, on peut aller direct au café.
- Moins d’ambiguïté : fini les malaises entre collègues pas sur la même longueur d’onde sur les codes sociaux.
- Un nouvel équilibre pro/perso : le télétravail a réduit les occasions de croiser physiquement ses collègues.
La bise, révélateur d'inégalités
Mais ce changement n’est pas qu’une simple histoire de microbes. La bise au travail posait aussi des questions de genre, de hiérarchie et de consentement.
- Pourquoi les femmes devaient-elles plus souvent faire la bise que les hommes ?
- Pourquoi certains managers se permettaient des bises à rallonge, quand d'autres imposaient la distance ?
- Combien de fois une collègue a-t-elle dû subir une joue collée à un collègue trop insistant ?
Avec le recul, on se rend compte que la bise pouvait être un rituel très genré, et parfois intrusif. La disparition de ce geste a aussi été vécue comme une libération silencieuse par beaucoup.
Des codes sociaux repensés
Aujourd’hui, on se dit bonjour avec :
- Un petit sourire et un "salut", simple mais efficace
- Un signe de la main de loin (oui, comme les rockstars)
- Un hochement de tête discret (team introvertis)
Le monde professionnel devient plus hybride, plus digital, et nos interactions aussi. Moins de gestes, mais plus de sens ? En tout cas, moins de pression sociale à coller sa joue à celle d'un collègue qu'on connaît à peine.
Les irréductibles de la bise
Bien sûr, il reste encore des poches de résistance. Certaines équipes, plus soudées ou plus traditionnelles, continuent à perpétuer la bise. Un peu comme les Gaulois face à l'Empire romain. Mais là encore, on demande toujours le consentement. "Je peux te faire la bise ?" est devenu une phrase courante. On n’impose plus, on propose. Et c’est déjà une révolution.
Ce que ça change (vraiment) au travail
Moins de bises, c’est :
- Moins de tensions invisibles : fini les malaises matinaux ou les hiérarchies implicites.
- Un meilleur respect de l’espace personnel.
- Une communication plus verbale, plus explicite : on apprend à dire bonjour sans contact physique.
La disparition de la bise a assaini certaines relations professionnelles, notamment dans des environnements où les frontières pro/perso étaient floues. C’est aussi une forme de modernisation des codes sociaux au bureau.
Un phénomène générationnel ?
Les jeunes générations, notamment les moins de 30 ans, n'ont pas grandi avec la bise comme norme professionnelle. Pour elles, la poignée de main ou le "yo" sont bien plus naturels. Le covid n’a fait qu’accélérer une tendance déjà en marche. Et ce sont souvent les plus jeunes qui imposent, sans le vouloir, de nouveaux codes dans les open spaces. La bise devient ringarde, presque boomer. Et quand on sait qu’elle est absente des visios… elle ne fait clairement pas le poids.
Et dans les autres pays ?
Petit tour rapide de l’étranger :
- États-Unis : la bise n’a jamais existé en entreprise. Poignée de main ou rien.
- Allemagne : contact physique minimal, le respect passe par la distance.
- Espagne / Italie : la bise est culturelle, mais elle recule aussi dans les bureaux.
La France restait un bastion de la bise professionnelle. Le covid a fait tomber la citadelle.
Vers une nouvelle étiquette sociale ?
Aujourd’hui, tout est question de contexte. Les gestes sociaux deviennent adaptables, personnalisables. C’est peut-être ça, la grande évolution : on ne fait plus par automatisme, mais par envie, par choix. Et c’est beaucoup plus sain. On tend la main, on salue de loin, on pose la question. Ce n’est pas de la froideur, c’est du respect. Et soyons claires : personne ne regrette la bise à 7h48 avec un collègue enrhumé.
Conclusion : merci le covid ?
Parmi les (rares) choses positives que le covid a laissées derrière lui, la disparition de la bise au bureau est peut-être l’une des plus libératrices. Moins de faux-semblants, plus de simplicité, et surtout : un respect retrouvé de l’espace personnel. Alors non, on ne plaquera plus nos joues à tout-va. Et c’est tant mieux. Et toi, tu fais encore la bise au bureau ? Ou tu as adopté le "salut de loin" ?